La croissance de ses activités professionnelles peut amener l’entrepreneur à exercer tout ou partie de son activité hors de France.
Une telle activité n’est pas neutre au regard de sa charge sociale et fiscale globale qui pèsera tant sur ses revenus que son patrimoine.
Ainsi, l’entrepreneur pourra considérer un changement de résidence. Il deviendra non résident fiscal français et si sa charge fiscale devrait diminuer en France, son nouveau pays de résidence prendra le relais et aura, en principe, le privilège d’imposer l’entrepreneur sur une base mondiale.
Il est à noter que différents dispositifs récents ont pour conséquence de maintenir, dans certains cas, une obligation fiscale en France même après un départ de France.
Si les conditions à remplir pour quitter fiscalement le territoire français sont connues et restent adaptées aux conditions de vie moderne, un examen attentif des différents critères est nécessaire notamment lorsque l’activité professionnelle et les actifs sont partagés entre plusieurs territoires.
La résidence fiscale française, au sens de l’article 4B du Code général des impôts, est le point clé pour apprécier l’étendue de l’obligation fiscale d’un contribuable français auprès de notre régime fiscal. Cette appréciation est valable non seulement pour l’impôt sur le revenu mais également pour l’ISF ou encore les droits de succession et de donation. De même, ces critères sont applicables à chaque conjoint pris isolément de sorte que l’un peut être domicilié en France et l’autre non.
Ainsi, aux termes de cet article, sont considérées comme ayant leur domicile fiscal en France, les personnes qui ont en France leur foyer ou le lieu de leur séjour principal ; celles qui exercent en France une activité professionnelle ; ou celles qui ont en France le centre de leurs intérêts économiques.
Ces critères sont alternatifs et il suffit d’en remplir un seul pour être domicilié en France. Il n’est pas inutile de préciser rapidement ces différentes notions.
Ainsi, le foyer s’entend du lieu où le contribuable habite normalement et a le centre de ses intérêts familiaux, sans qu’il soit tenu compte des séjours effectués temporairement ailleurs en raison des nécessités de la profession ou de circonstances exceptionnelles.
Il est à noter que ce n’est que pour les célibataires que le critère du lieu de séjour principal sera utilisé. Ces derniers n’ayant pas de foyer en France ou hors de France. Ce critère est rempli lorsque le temps passé en France est nettement plus élevé que celui passé dans n’importe quel autre territoire. La notion de foyer peut s’étendre, pour le Conseil d’Etat, à des concubins voir à des célibataires.
En ce qui concerne l’activité professionnelle, prédominance doit être donné au lieu d’exercice de l’activité professionnelle qu’elle soit salariée ou non.
En cas d’exercice de différentes professions simultanément ou d’activités partagées sur le territoire de plusieurs Etats, référence devra être faite à l’activité principale. Elle est définie comme celle à laquelle est consacré le plus de temps même si cela ne génère pas l’essentiel des revenus. Lorsque cette détermination n’est pas possible, l’activité principale sera celle qui procure la plus grande partie des revenus mondiaux.
Enfin peuvent être également considérées comme domiciliés en France les personnes qui y ont le centre de leurs intérêts économiques. Ce critère, en présence d’actifs significatifs, est bien évidemment d’importance.
Il s’agit ainsi du lieu des principaux investissements, du siège de direction des affaires ou du lieu à partir duquel les biens sont administrés. Cela peut également être le lieu où la personne a le centre de ses activités professionnelles, d’où il tire la majeure partie de ses revenus.
Dans le cas de pluriactivité ou de multiples sources de revenus, le centre des intérêts économiques sera localisé dans le pays où l’intéressé tire la majorité de ses revenus.
Les biens non productifs de revenus dont le contribuable se réserve la jouissance ne sont pas à prendre en compte pour la localisation du centre des intérêts économiques.
Lorsque la personne physique est résidente de deux Etats au regard du droit interne et qu’il y a ainsi un conflit sur la détermination de l’Etat de résidence d’un contribuable, les conventions fiscales doivent être utilisées et priment sur le droit interne des Etats concernés. A ce stade, les règles du jeu changent.
Ainsi, les conventions fiscales sur la base du modèle OCDE prévoient, dans une telle situation, que les critères sont à examiner de façon successive afin de déterminer de quel Etat l’intéressé doit être le résident fiscal.
Ces critères ressemblent à ceux de notre droit interne mais s’en distinguent par leur contenu et leur analyse qui doit être effectuée.
Ces critères sont ainsi, le foyer permanent d’habitation, cette notion fait référence au lieu d’habitation ayant une certaine stabilité. Si un tel lieu existe dans les deux Etats ou dans aucun d’eux, le centre des intérêts vitaux, c’est-à-dire le lieur de situation des liens personnels et économiques devra être envisagé. Si le conflit n’est pas tranché, le séjour principal, la nationalité et à défaut, l’accord des autorités compétentes des deux Etats seront les critères alternatifs suivants à utiliser.
Le départ de France, s’il peut être simple en l’absence de liens avec notre pays, peut être plus difficile en cas d’opérations antérieures ou d’actifs significatifs localisés en France. Il impose également de concilier situation familiale et patrimoniale.
Dans ce cadre, le choix du futur pays de résidence est également important non seulement pour répondre facilement et sans contraintes personnelles aux exigences posées par les différentes législations en matière de résidence fiscale mais également pour évaluer et gérer la charge fiscale et sociale qui sera lié à cette nouvelle destination.
Enfin, il n’est pas inutile de rappeler que certains revenus considérés comme de source française resteront imposables en France, même après le départ de France. Le Conseil d’Etat et le législateur ont par ailleurs également consacré ce principe au regard de certains plans d’actionnariat salariés lorsqu’une partie du gain est liée à une activité française.
L’ « exit tax » sur les actifs mobiliers ainsi que les règles relatives à l’exonération des plus-values mobilières sous condition de réemploi nécessitent également un examen attentif.
Enfin, si des paramètres fiscaux peuvent être envisagés facilement comme l’existence d’un impôt sur la fortune, les conséquences d’une expatriation en matière de droit de succession ou de donation peuvent être lourdes pour un entrepreneur dont la famille et les actifs sont localisés sur différents territoires et doivent être également anticipées.
A cet égard, on rappellera que les règles de territorialité française ne favorisent pas nécessairement les bénéficiaires qui restent en France. En effet, restent imposables en France en l’absence de convention fiscale (sous déduction de l’impôt payé à l’étranger et dans certaines limites), les héritiers ou donataires qui résident sur notre territoire depuis au moins six ans à la date du décès ou de la donation.
Georges Morisson-Couderc
Associé-Avocat à la Cour